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Français québécois – Portugais brésilien

Une préservation linguistique très différente

Dans leur recherche, Amélie-Hélène Rheault et Marcelo Ribeiro Martins, étudiants à l'Université de Sherbrooke, ont comparé les similitudes et différences linguistiques entre le Québec et le Brésil.
Dans leur recherche, Amélie-Hélène Rheault et Marcelo Ribeiro Martins, étudiants à l'Université de Sherbrooke, ont comparé les similitudes et différences linguistiques entre le Québec et le Brésil.
Photo : Michel Caron

2 juillet 2009

François Parenteau

À certains égards, le Québec et le Brésil partagent un point commun sur le plan culturel et linguistique. Ces deux nations d'Amérique, colonisées par des puissances européennes à partir du 16e siècle, ont su développer et préserver leur langue respective, malgré la présence de langues fortes dans les territoires voisins. Mais comme le notent Amélie-Hélène Rheault et Marcelo Ribeiro Martins, respectivement étudiants au doctorat et à la maîtrise au Département des lettres et communications, Québécois et Brésiliens ont des approches fort différentes des questions linguistiques.

«Le Québec, entouré par l'anglais, redoute l'assimilation, tandis que le Brésil, entouré par l'espagnol, n'en fait pas de cas, explique Amélie-Hélène Rheault. Après la Conquête, le gouvernement anglais a accordé des droits aux Québécois, mais n'a pas pu faire en sorte qu'ils se sentent égaux et légitimes. Contrairement au Brésil, qui s'est battu contre les langues amérindiennes, on a dû se battre contre l'anglais.»

Au Brésil, une première loi instaurée en 1758 a promu le portugais comme seule langue de communication. «Il était interdit, dans les communications officielles, de parler une autre langue que le portugais, raconte Marcelo Ribeiro Martins. De cette façon, les colonisateurs se sont assuré une plus grande emprise sur la colonie. Le portugais est devenu la langue officielle, et ce, au détriment des langues amérindiennes. Jusqu'à ce que l'espagnol devienne langue seconde obligatoire dans les écoles en août 2005, il n'a jamais été question de comparaison avec cette langue. Les Brésiliens vivaient comme s'ils n'avaient pas à se conformer à un environnement géographique exclusivement hispanophone, contrairement au Québec et à son environnement anglophone», ajoute-t-il.

Héritage français

«Les membres de l'élite francophone se sont longtemps considérés comme des Français d'Amérique du Nord et non pas comme des Canadiens français, dit Amélie-Hélène Rheault. Il fallait donc conserver la langue de la France, mais évidemment, le français québécois a évolué différemment, donc on a toujours pensé que notre français n'était pas le meilleur parce qu'on le comparait avec celui de la France.»

La différence s'est fait sentir à la reprise des contacts avec la France au milieu du 19e siècle. «Les Québécois se sont aperçus qu'ils ne parlaient plus comme les Français, précise-t-elle. Ils ont donc conclu qu'ils parlaient mal. Si, au contraire, on avait ignoré ces différences et qu'on avait continué comme si de rien n'était, il n'y aurait pas eu de problèmes, mais on est plutôt passé par une insécurité linguistique, une infériorité linguistique.»

Du côté du Brésil, un détachement linguistique a rapidement eu lieu. «À la suite de l'Indépendance en 1822, les Brésiliens étaient toujours à la recherche de leur identité. Ils ont alors favorisé leur façon de parler, de sorte que, même si leur lexique contient de nos jours l'influence de 170 langues amérindiennes et de plus de 30 langues d'immigration, le portugais est encore la langue officielle», mentionne Marcelo Ribeiro Martins.

Question de culture

Selon les chercheurs, la culture québécoise, malgré sa force, n'est pas autonome. «Quand on écoute la radio ou regarde la télévision, les produits américains sont très visibles, disent-ils. Quant à la littérature étudiée au secondaire, elle est souvent d'origine française. Au Brésil, une grande majorité des produits culturels sont créés localement. Cette autonomie culturelle apporte une grande distinction entre les deux nations.»

Le dictionnaire, objet symbolique

L'Office québécois de la langue française propose régulièrement des recommandations langagières. «Le mot courriel a été une belle trouvaille. Cela a bien passé dans la société, on en était fier, donc on l'a utilisé», dit Amélie-Hélène Rheault.

«On ne peut pas imposer une langue, il faut composer avec son évolution et ses particularités, poursuit-elle. En ce sens, le dictionnaire du groupe de recherche FRANQUS, qui est actuellement en développement à l'Université de Sherbrooke, est prometteur, car il pourrait rallier les Québécois et faire office de symbole. Cela donnerait une légitimité à la langue. On ne sait toutefois pas quelle sera la réception du public. Une chose est certaine, cela pourrait être une réponse à un besoin criant au Québec.»